2018.09.28 - Synthèse de Matthias Lecoq

De Wiki 3DD - Espace de concertation
par Matthias Lecoq
Dr. en Géographie et en Sciences Politiques
Collaborateur scientifique UNIGE

Expertise profane et réinvention de la participation

Cette table de travail s'est penchée sur l'expertise profane et la réinvention de la participation. Cette problématique a été posée par les représentants de l'Office de l'Urbanisme de l'Etat de Genève afin de savoir comment et sous quelles formes pouvaient s'organiser la participation ? Avec qui le faire, et à quelles échelles ? Et enfin, pour savoir comment capitaliser cette participation pour une transformation qualitative du territoire ?

Une vingtaine de personnes a pris part à cette réflexion divisée en deux sous-groupes.

Après cette expérience de réflexion collective, on peut tout d'abord affirmer que la participation se présente comme un fait politique autant que culturel ! C'est une thématique remplie d'émotions, de frustrations, mais aussi d'ambitions où l'on parle tantôt de mixité ou de justice sociale que de cadrage et d'outils méthodologiques. Cela a le mérite de mettre en avant certaines contradictions. D'un côté, il existe de nombreuses opportunités pour réinventer la participation afin de favoriser l'échange et la perméabilité des processus. Que cela soit par les "civic tech", l'interdisciplinarité, ou encore par la présence d'un tiers facilitateurs. Mais de l'autre, on remarque que la réglementation d'aujourd'hui a beaucoup de mal à créer l'ouverture demandée tant en termes de temporalité (la participation demande des temps d'activation, de digestion, de propositions...), qu'en termes de législation (le Plan Localisé de Quartier reste un outil très ciblé). Ces frustrations, malgré la diversité contemporaine des processus de participation qui a été soulignée par tous, viennent se mélanger à des problématiques de représentativité des participants qui fait peser beaucoup de responsabilité sur les corps intermédiaires - en premier lieu les associations.

Se pose alors la question des conditions cadre de la participation. Est-elle faite pour répondre à un texte de loi ? Ou pour réellement écouter les habitants ? Les deux sous-groupes ont affirmé l'importance de mieux présenter/expliquer ce cadre de la participation. Cela pourrait passer par la mise en place de meilleurs outils de communication telle qu'une plateforme globale de tous les processus participatifs qui présenterait les marges de manœuvre pour chacun d'eux. Ou par un effort pédagogique pour chaque projet, en mettant en avant ces conditions cadre dès le début des rencontres participatives. C'est une manière d'interroger le positionnement des acteurs et notamment l'asymétrie dans les jeux de pouvoir, et de se focaliser sur les résultats de la participation pour les participants eux-mêmes, c'est-à-dire son suivi.

Deux enjeux centraux ont été présentés : le premier, c'est celui d'articuler les besoins et les compétences des acteurs tant en termes de temporalité qu'en termes d'échelles. Il y a notamment des moments où la participation doit-être plus large qu'à d'autres et concerner plus de citoyens. Le second est celui de pouvoir croiser les informations émanant de la participation. Les projets sont différents mais de nombreuses problématiques sont récurrentes et transversales. Les processus participatifs devraient permettre de mettre en lien les différents apports et donc les réflexions.

Enfin, et pour tenter d'apporter une analyse supplémentaire, il y a une problématique qui est à la croisée de tous ces questionnements et qui passe par un travail conceptuel approfondi sur ce qu'est la participation, et par analogie, sur ce qu'est le participant. C'est une problématique de sémantique, de sens, qui peut paraître superficielle mais qui est une des principales limites actuelles et un gros facteur d'incompréhensions et de frustrations. Car considérer les participants comme des usagers, comme des profanes dont on reconnaît un savoir-d'usage avant tout, revient à figer des relations alors qu'elles supposent une certaine dynamique. C'est un facteur limitant car un usager attend un service alors qu'on lui demande d'être un acteur. La participation demande donc un passage du statut d'usager à celui d'acteur, et il faut donc favoriser ce changement de statut dans la conception même des processus participatifs. C'est un statut qui dépasse l'ingénierie du projet urbain en faisant référence à une thématique politique et culturelle qui est celle de la citoyenneté et du rôle du citoyen dans la ville.